Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

OUANILO le Prince Courageux.

Le prince Ouanilo Arini fils du roi Béhanzin et de la reine Lakoukou Massè est né le 15 décembre 1885 à Abomey. (Ouanilo qui s’écrit aussi Wanilo siginifie : « Tout acte posé par l’homme entre dans la durée, dans l’histoire » )

 

Il allait avoir 7 ans lorsqu’il suivit le roi au maquis et resta avec lui durant la longue et dure guerre de résistance menée  quatorze mois contre les troupes coloniales du général Doods. A 8 ans, il était présent au moment du célèbre discours d’adieu du roi à ses soldats, il était aux côtés de son père place Goho lors de la rencontre du roi avec le général Doods pour mettre fin à la guerre.

 

Le Prince Ouanilo avec trois de ses sœurs (Agbopano, Mécougnon, et Potassi)  embarque avec le roi et sa suite  le 11 Février 1894 sur le navire SECOND qui allait les conduire en exil.

 

Le 30 mars 1894 le roi Béhanzin débarque à Fort-de-France en Martinique, à ses côté il y avait le jeune prince Ouanilo dont le tempérament courageux et la soif du savoir avaient étonné les officiels français présents.

 

Au début de son exil en Martinique, le roi avait tiré cette conclusion de la défaite de son armée face aux troupes coloniales françaises : «malgré la justesse de notre cause, notre vaillance et notre détermination, ils n’ont pu l’emporter et s’accaparer de la terre de nos aïeux que par la force de leur science …). Cette conclusion allait prendre une grande importance dans l’éducation que le roi allait donner à son fils  Ouanilo, il l’inscrit fin 1894 à l’école (d’abord à l’institution des frères de Plöermel, et ensuite au Lycée Schoelcher en classe de 9ème).

 

Deux ans à peine après le début de ses études, le prince Ouanilo obtint de brillants résultats avec les félicitations de ses enseignants, il pratiquait aisément la langue française et c’est sans hésitation qu’il prit le rôle d’interprète au près du roi lorsque Fanou l’interprète officiel fut rapatrié au Dahomey.

A partir de l’année 1900, c’est le prince Ouanilo qui écrivit toutes les correspondances du roi, en particulier toutes les lettres de protestation du roi contre l’injustice qui lui était faite et pour réclamer son retour au Dahomey sur la terre de ses ancêtres. Au Dahomey durant la guerre de résistance, le prince Ouanilo était aux cotés de son père, en exil en Martinique il mène avec son père  le combat  de la liberté, ils ont écrit plusieurs fois aux autorités françaises (ministres, gouverneurs), à des journalistes et aussi à des mouvements des droits de l’homme. Durant l’exil en Martinique, le prince Ouanilo écrivait au sujet du ressenti  de son père le roi Béhanzin : « La révolte de Père et la désolation pour la trahison de la parole donnée qui nous a conduits en cette terre d’exil au lieu, comme on nous l’a promis, d’aller à la rencontre des autorités de France… Ce qui chagrine Père au plus haut point c’est l’idée qu’il a mieux à faire à Abomey, sans compter que ceux qui nous ont conduits ici et qui aujourd’hui plus qu’hier n’osent même plus donner suite à nos requêtes, n’ont aucune raison valable à leurs actes, en dehors de la force brute…». C’est à l’issu du courageux combat  du roi et de son fils Ouanilo que Albert Sarraut alors ministre des colonies prit en compte les conclusions de la commission du docteur Vidal et finit par autoriser le départ du roi et de sa famille pour l’Algérie.

Le retour sur la terre Africaine était une bonne nouvelle, mais la santé du roi n’était plus bonne et déclinait de jour en jour, les douze longues et douloureuses  années d’exil loin de la terre natale avaient laissé des traces. Le 1er avril 1906 le roi Béhanzin, son fils Ouanilo et la famille royale embarquent  et quittent  la Martinique, après une brève escale  à Marseille, ils arrivent en mai 1906 en Algérie où ils résideront à Blida.

Même si le retour en terre Africaine était un réconfort,  le roi ne supporta pas la prolongation de son éloignement de la terre de Dahomey (comme il disait : « le Dahomey ! cette terre qu’aucune puissance ne peut arracher de mon cœur ! Qu’on me laisse retourner dans mon pays, le regret de la patrie me tue. ». Le roi avait aussi confié à son fils le prince Ouanilo : « un roi de Dahomey à sa mort doit être enterré sur la terre de ses ancêtres, l’inhumation hors du pays est un grand malheur… », c’était un message prémonitoire, il sentait la fin venir et préparait son fils pour qu’il continue à être fort face à l’adversité (un Agassouvi ne fléchit pas !). Le 10 décembre 1906 à l’aube, le roi Béhanzin dont la santé s’était gravement dégradée, meurt dans les bras de son fils Ouanilo qui l’avait veillé durant toute la nuit,  il est inhumé le lendemain au cimetière Saint- Eugène à Alger.

 

Après la mort du roi Béhanzin et le retour de la famille royale au Dahomey, le prince Ouanilo resté un an seul en Algérie part ensuite pour la France. En 1907 Ouanilo présente sa candidature  à l’Ecole Miliaire de Saint-Cyr, mais les autorités coloniales sur le qui vive opposèrent un refus catégorique, car il ne fallait donner aucune chance au développement intellectuel de ce brillant prince qui pouvait à tout moment réclamer la liberté de son pays le Dahomey voire déclencher un vent de révolte en Afrique, c’est dans ce même dessin que le trône de son père avait été saisi et envoyé en France afin d’effacer tout symbole du royaume de Dahomey.  Mais c’est sans compter avec la ténacité du jeune prince qui ne se décourage pas. Malgré tous les moyens mis en œuvre pour le dissuader, il  décide de se tourner vers des études supérieures scientifiques et obtient un diplôme d’ingénieur agronome  avant de se tourner vers des études juridiques à la faculté de droits de Bordeaux, ses études de droits terminées avec succès il s’engage dans l’armée Française en 1914. A la démobilisation il a le grade d’officier d’artillerie,  il obtient la nationalité française, il épouse le 16 février 1916  Maria Valentina Ducaud une jeune femme d’une grande famille Bordelaise,  il part à Paris et rencontre les pires difficultés durant l’exercice de son métier d’avocat à la Cour de Paris, il démissionne du Barreau de Paris en février 1920, premier avocat noir africain au Barreau de Paris, on imagine les oppositions qu’il a du affronter et le contexte dans lequel il s’est  battu pour exercer son métier… . Après les problèmes rencontrés au Barreau de Paris, Il repart à Bordeaux où il s’installe définitivement, il devient le chef du contentieux à la Compagnie du chemin de fer du Midi.

 

La prince Ouanilo, depuis la mort de son père le roi Béhanzin,  n’a jamais cessé de se battre pour ramener la dépouille de son père au pays natal le Dahomey, les autorités françaises s’opposaient à ce retour, tant le souvenir du roi était resté intact dans son pays,  même vingt ans après sa mort il faisait toujours peur aux autorités coloniales, la seule évocation de son nom créait la panique dans les rangs des militaires coloniaux.

 

La bataille du prince Ouanilo trouve enfin son épilogue, il obtient l’exhumation de son père et accompagne en mars 1928 ses cendres au Dahomey. C’est avec beaucoup de joie que Ouanilo constate qu’il avait vaincu toutes les oppressions et adversités, réussit à ramener la dépouille de son père sur la terre natale, la terre des Gédévi (Les Gédévi sont les habitants originels du plateau d’Abomey. Prononcez Guédévi), et que enfin  les obsèques royales de son père ont pu avoir lieu dans le palais de DJIME, ce palais qu’il avait quitté très jeune à l’âge de 7 ans pour entrer aux côté de son père dans le maquis.

 

Après les obsèques de son père le roi Béhanzin, le prince Ouanilo Arini sur le chemin de retour en France meurt  le 19 Mai 1928 à Dakar, il avait 43 ans,  il est d’abord enterré sur place à Dakar, son épouse la princesse Maria Valentina Ducaud Béhanzin exige et obtient le rapatriement de son corps à Bordeaux où l’enterrement eut lieu au cimétiaire Nord de Bordeaux le 3 octobre 1928.

 

Les restes du Prince Ouanilo seront rapatriés 78 ans plus tard au Benin le 27 septembre 2006, l’année de la commémoration au Bénin du centenaire de la mort du roi Béhanzin. Le Prince Ouanilo, le Prince Courage a retrouvé la terre de ses ancêtres, où il reposera désormais en paix parmi les siens.