L’industrie du cinéma béninoise peine à décoller. Depuis qu’il ait vu le jour à aujourd’hui, rien ne semble bouger. Alors, l’expansion du cinéma béninois arpente t’il le mur d’une récession à cause de manque de professionnalisme, de faute de moyens ou serait-il déjà perdu tout espoir ? Voilà autant de questions auxquelles Arcade ASSOGBA, cinéaste professionnel a répondu. Pour lui, l’Etat en est pour quelque chose. Mais au delà de tout, les cinéastes béninois grâce à leurs brillances relèveront les nombreux défis auxquels le secteur fait face de plus en plus.
Depuis la naissance du centre national du cinéma et de l’image animée, l’industrie du cinéma peine à enregistrer des prouesses. Alors quelle est la réelle utilité du centre national du cinéma et de l’image animée béninois ?
Il a été créé pour réguler le secteur du cinéma. Je ne connais pas de pays au monde qui se soit passé d’une telle institution. Il est utile à plus d’un titre. Il a pour rôle l’exécution des politiques publiques en matière cinématographique. C’est un organe étatique qui devrait œuvrer pour hisser le secteur du cinéma plus haut. Étant donné que l’Etat est le principal promoteur de toutes les chaînes culturelles. Le Cncia a pour vocation de faire rayonner le cinéma béninois et donc sa ou ses cultures tant à l’intérieur du pays qu’au delà de ses frontières.
En tant que membre du conseil artistique de ce centre, dites-nous qu’elle est la mission de son conseil d’administration où la représentation est discutée entre professionnels du cinéma et fonctionnaires d’État ?
Comme tout Conseil d’administration, il décide de l’orientation des activités en amont, puis valide le bilan de l’exécutif. Il a à sa charge la définition des projets et donne acte au directeur général pour qu’un programme subséquent soit déployé. C’est l’organe suprême qui décide des orientations, qui contrôle la gestion des programmes initiés pour l’émergence du secteur.
À l’heure où nous parlons, il n’est plus question que de conseil d’administration du centre national du cinéma et de l’image animée. Il y a aussi l’existence du conseil artistique dont vous êtes membre. Quel est véritablement le rôle du conseil artistique ?
Sur la base des informations disponibles, le conseil artistique est un organe essentiellement consultatif. Il est consulté par la direction générale sur des préoccupations de son choix. Y siègent des professionnels essentiellement. Ce qui permet heureusement d’éviter l’appréhension qui montait à savoir qu’écartés du conseil d’administration, le cinéma béninois serait désormais exclusivement entre les mains de fonctionnaires qui n’y comprennent rien. Notons quand-même que le conseil artistique n’a pas un rôle prépondérant.
En dehors de vos productions et celles de Sylvestre Amoussou, on a totalement l’impression que le cinéma béninois est inconnu à l’échelle internationale. Ce constat n’est-il pas dû au manque de professionnalisme ?
Pour dire vrai, à l’intérieur du pays, il ne se passe grand-chose. Il y a des cinéastes béninois quand-même qui brillent vaille que vaille à l’international. Idriisou Mora Kpaï est d’ailleurs un exemple. Il faudrait surtout rappeler aussi qu’il y a certain relâchement de la part de l’Etat. Le fait que le film “L’orage Africain”, de Sylvestre Amoussou, ai pu remporter l’étalon d’argent de Yennenga au Fespaco 2017 aurait été un fait déclencheur pour qu’il y ait une relance de la part de l’Etat. Mais rien ne s’est passé. Ce qui inquiète par dessus tout, c’est l’absence de perspectives pour demain. Pas la moindre promesse au cinéma. Le Chef de l’État à travers son projet de société, » Le Développement ça y est » n’a pas consacré une ligne au secteur du cinéma. Et s’il ne parle pas du tout du cinéma, serait-ce parce qu’il ne connait pas l’impact qu’il pourrait sur le développement? C’est bien la question que je me pose. En principe, les deux vont de pair. L’on ne peut envisager le développement sans miser sur le cinéma.
Comment expliquez-vous le fait que les cinéastes béninois sont presque inconnus ?
Tout est question de planification. Et là, on constate l’intérêt qu’il y a encore de doter le centre national du cinéma et de l’image animée de moyens adéquats pour qu’à l’intérieur du pays, le secteur soit bien structuré et promu. Le centre, a en idée de créer une cinémathèque nationale. Voilà un outil, pour régler durablement et efficacement le défi de reconnaissance. En lien avec le secteur de l’éducation, le milieu culturel et associatif de même que les medias, le défi sera relevé très rapidement. S’en suivra, un bouillonnement positif à la taille des acteurs, des équipements et du marché quoique minime.
Y a t’il un circuit de distribution des productions cinématographiques ?
Il fut un temps dans les années 90-2000 où les DVD étaient encore à la mode. Il y avait vraiment des sociétés de distributions qui ont vraiment alimenté une forme d’industrie de la vidéo. En ce temps, les circuits de distributions intervenaient même dans la production de certaines œuvres, vu l’appétence du marché. On a enregistré un Boom en ces années-là. Mais, après la crise des DVD, il n’y a plus eu de circuit de distribution du genre. Les boutiques ont fermé ou sinon, elles sont remplacées par des échoppes de commerce général. En parallèle, pour ce qui est du cinéma proprement dit, plus de salles d’exploitation, plus d’œuvres, après la période des salles de cinéma qui ne diffusaient que des œuvres étrangères. Ce qui avait fait écrire par notre doyen, M. François Sourou Okioh son fameux livre “Cinéma béninois, connais pas”. Bref, la seule salle de cinéma en exploitation au Bénin s’appelle Canal Olympia. Une sale de trois places pour près de 12 millions d’habitants.
Le manque de moyens financiers dans la réalisation des œuvrent cinématographiques n’est il pas aussi-là un frein pour le développement du cinéma béninois ?
Effectivement, le manque de financement fait partie des facteurs qui stagnent le niveau du cinéma béninois. Comme on le dit, l’image, ça coûte chère. Il n’y a pas de cinéma sans argent, sans investissement. C’est en cela que le cinéma lui-même est un moteur important pour l’économie. Au Bénin, comme on est habitué à des productions avec peu de moyens, eh bien, le cinéma est toujours au stade qui lui ressemble : maigrelet et marginal. Et si nous avons pu être cité quelques fois au Fespaco par exemple, c’est grâce à certains auteurs qui se sont battus pour avoir les moyens à mettre dans leurs productions respectives.
Pourquoi les cinéastes ne font recours à des fonds de soutien comme le Fonds d’appui à la production audiovisuelle, et parlent toujours de manque de moyens financiers ?
Le Fapa, est le seul fonds destiné spécifiquement à la production audiovisuelle. Et quand on parle d’audiovisuel c’est large. L’audiovisuel brasse toutes les productions télévisuelles et numériques aujourd’hui. Au Bénin il n’existe pas un fonds étroitement destiné au cinéma. Le fonds des arts et de la culture finance à une échelle marginale le cinéma. Il englobe d’ailleurs tout. Comparé à ce dont on a besoin pour une production de cinéma, la totalité des montants alloués au cinéma ne pèse du tout pas. Ce qui fait qu’à l’heure où nous parlons, il n’y a pas une œuvre qui ait été financée par le fonds des arts et de la culture et qui a fait le tour de la sous régions ouest-africaine.
Qu’est-ce qui explique la stagnation ou le déclin de l’industrie du cinéma béninois selon-vous ?
Je pense qu’à un moment donné, il a manqué de vision pour orienter l’industrie du cinéma. Et aussi, le fait qui n’y ait pas assez d’acteurs qui s’investissent dans le domaine. Une masse critique importante est en cours de constitution autour du cinéma. C’est cela la bonne nouvelle.
Le marché de consommation des œuvres de la cinématographie est quasi désert. Qu’est-ce qui expliquerait ce constat selon-vous ?
Le marché du Bénin est petit, mais le géant Nigeria constitue aussi un marché naturel pour nos productions. Le marché n’est donc pas seulement limité entre les frontières du Bénin. Lorsque les producteurs investissent en tenant compte de cela, je pense qu’ils ne se plaignent plus. C’est déjà arrivé, croyez-moi. Mieux, avec l’accroissement des plateformes de vidéos à la demande, le marché est encore plus ouvert. La diffusion du cinéma se moque royalement des frontières maintenant. Cela va s’accentuer dans les années à venir. La consommation des produits culturels, le cinéma en tête, viendra suppléer les barrières sanitaires et territoriales qui se dressent en ce début du 21ème siècle. Tâchons de ne pas demeurer à la périphérie. Voilà un enjeu pressant par exemple.
Propos recueillis par Arnauld KASSOUIN
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