Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

PRÉSIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE  : JOSEPH DJOGBÉNOU À L’ÉPREUVE D’UNE FONCTION QUI ÉLÈVE, USE, DÉCHOIT…ET UN JOUR, RÉHABILITE

À la tête de l’institution vedette de l’arsenal juridico-politique de notre pays_la Cour Constitutionnelle_ le professeur Joseph DJOGBÉNOU est en proie, de façon récurrente, à des attaques croisées de compatriotes de profils divers: juristes, acteurs politiques, activistes des réseaux sociaux…

On a souvent pris le soin de rappeler, de façon insidieuse,  qu’il était l’avocat « personnel » du Chef de l’État et son ancien ministre.

Et lorsque cela n’a pas paru suffire pour mettre en doute la possible objectivité des décisions rendues, on a voulu opposer aux arrêts de la Cour qu’il préside,  les positions sociales et politiques défendues par cet ancien enseignant, du temps où il exerçait au barreau ou était membre de la société civile.

Mais qui mieux qu’un avocat de son talent, lui-même, ce passionné de l’art discursif, pour défendre le Professeur Djogbénou ?

Ironie du sort, une allégorie animalière rapporte que le toucan avait pris le pari de creuser, de son bec féroce, une sépulture dans le rocher, pour honorer la mémoire de sa mère. Voilà qu’au décès de sa génitrice, le brave oiseau se prend un abcès au bec !

Ainsi en est-il de Joseph Djogbénou, comme d’ailleurs de tout occupant d’un siège au sein cette institution excellemment restituée par la périphrase  « Cour des Sages ».

En offrant aux membres de la Cour Constitutionnelle, le privilège de  l’inamovibilité et de l’irrévocabilité  qui les protège contre la tentation du chantage politique, la loi assujettit de façon corrélative les occupants de cette exigeante charge à des incompatibilités professionnelles, mais plus particulièrement, les soumet à l’obligation de réserve.

Dans certaines charges, en certaines circonstances, le silence est la vertu du sage; et aux prédécesseurs du Professeur Djogbénou qui auront essuyé, eux aussi, les mêmes états de raillerie,  les mêmes attaques,  de nombreuses pierres jetées durant leur charge, révèlent avec le temps qui fuit, leur inconsistance,  l’excessive sévérité de l’opinion à l’égard des Sages en exercice, et la repentance tardive, et souvent silencieuse,   de l’opinion à leur sujet.

Nous avions battu les pavés et  crié  » *Élisabeth POGNON*, Hélou éééh! », la soupçonnant d’avoir trafiqué les résultats de la présidentielle de 1996.

Nous avions maudit Conceptia OUINSOU; tout spécifiquement, quand elle eut  validé un processus en lequel nombre d’entre nous voyaient un inopportun  match amical entre Mathieu KÉRÉKOU et Bruno AMOUSSOU.

Nous avions  enragé à l’encontre de Me  Robert DOSSOU que nous avions baptisé « fabricant de K.O » en 2011. Ensuite, arriva en 2013 Théodore HOLO, précédé d’une respectable aura de cadre droit et de constitutionnaliste réputé.   Il ne fit pourtant point exception au désamour vis-à-vis de l’occupant de son siège; et singulièrement, la fameuse décision stipulant que  39 ans + 1 jour équivalaient déjà à quarante (40) ans, aura fait dégainer à boulets rouges, et  sans  ménagement, à son encontre,  nous faisant traiter sans nuance la juridiction qu’il présidait de Cour des Miracles.

Aujourd’hui, dans le feu de l’action et sous les feux de la rampe, Me  Joseph Djogbénou essuie les rafales nourries d’acteurs politiques, de juristes …et surtout  d’activistes des réseaux sociaux pour diverses raisons qu’il pourrait être utile, ultérieurement, de décrypter.

Parallèlement et paradoxalement, tous les prédécesseurs de ce professeur de droit privé,  jadis décriés en plein exercice de leur fonction de Sages, apparaissent aujourd’hui réhabilités, sans coup férir, comme les  tenants, en leur temps incompris, d’un beau  flambeau aujourd’hui menacé, s’entend-on dire, par le mandat de Maître Djogbénou.

Comme on peut le voir, être porté à la tête de la Cour Constitutionnelle est une fonction qui élève et anoblit l’heureux  élu; mais ensuite l’use, et progressivement déchoît, au fil de l’exercice de son ingrat office, faisant de lui et de ses co-équipiers des pestiférés que pourtant demain, l’opinion qui les aura méprisés,  se fera le devoir de réhabiliter.

Les exemples ci-devant évoqués édifient à suffisance.

Le péché originel de Me Djogbénou et de ses collègues Sages semble bien être de nous avoir dessaisis, dès les premières semaines de leur mandat, de ce doux et confortable droit d’entrer en grève sans craindre, ni de perdre son travail, ni même de perdre, dans la proportion des heures de débrayage, le salaire non dû au travail que nous n’aurons pas fait.

Quand un homme est bousculé dans sa zone de confort, il se braque. C’est une réaction humaine.

Mais demain, quand Me Djogbénou aura passé le témoin et que le temps aura fait son œuvre, on remarquera qu’en son temps, et grâce à quelques unes des décisions décriées de la mandature qu’il aura présidée, nos enfants auront recommencée à avoir des calendriers scolaires paisibles; et que les personnes malades qui se rendent dans nos hôpitaux, pour les soins de santé, auront cessé de risquer  de se voir abandonnées et livrées entre les griffes de la mort, parce que l’agent-soignant serait en grève.

Cet élève qui a désormais une année scolaire pleine et ce patient qu’on ne laisse plus mourir sur le carreau, si ce n’est pas nous, c’est un proche: un fils, une fille, un  parent, un ami, une connaissance…

C’est pour cela que je ne suis pas surpris de voir le professeur Djogbénou malmené aujourd’hui par l’opinion; l’ayant d’ailleurs quelquefois titillé, moi-même.

C’est aussi pour cela que je ne serais pas surpris non plus de le voir demain, réhabilité et célébré, de même que ses pairs de cette mandature qui court, par nous tous qui leur aurons jeté des pierres, pour n’avoir pas pris le temps patient de méditer les impacts sociaux et humanistes de leur belle action républicaine.

Constantin AMOUSSOU