Au cours d’une réunion virtuelle rassemblant staffs présidentiels, ministres des finances ainsi que des représentants du secteur privé, les économistes de l’ONU ont présenté aux principaux décideurs africains leurs premières estimations sur l’impact économique du virus Covid-19.
Ce sont 80 connexions sécurisées émanant de tous les lieux de pouvoir économique du continent – présidences, ministères des finances, banques centrales et conseils d’administration de multinationales – qui sont venues, le 19 mars, se brancher sur les serveurs de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA) afin d’écouter un premier état des lieux économique de la crise du coronavirus (Covid-19) sous la double coordination du ministre des finances sud-africain, Tito Mboweni, et de son homologue ghanéen, Ken Ofori-Atta. Comme toutes les réunions de l’ONU, ce sommet virtuel s’est conclu par une série de recommandations publiques, mais il a débuté par une analyse de la crise dont les conclusions, elles, n’ont pas été diffusées hors de l’organisation.
Dans un briefing partagé avec les ministres et hauts fonctionnaires africains, les économistes de la CEA ont en effet déterminé que la propagation du Covid-19 amputerait près de la moitié de la croissance prévue cette année en Afrique. Celle-ci, projetée à 3,2 % avant la crise du coronavirus, n’était plus estimée qu’à 1,8 %, les 1,4 % en moins représentant un trou de 29 milliards $. Cet impact est la conséquence du croisement de deux courbes : la baisse vertigineuse des cours du pétrole, qui va amputer les revenus des pays pétroliers africains de 65 milliards $, et la hausse tout aussi exponentielle des importations de matériel sanitaire et de médicament, dont le coût supplémentaire est estimé à 10,6 milliards $.
Sans surprise, c’est pour le Nigeria (-42,7 milliards $), l’Algérie (-33,9 milliards $) et l’Angola (-33,3 milliards $) que les manques à gagner vont être les plus spectaculaires. A volume constant, les revenus des exportations de pétrole africain pourraient chuter de 166 milliards $ sur la période 2016-2018 à 101 milliards $. Le Nigeria, premier exportateur du continent, passerait de 33 milliards $ de brut exporté à 19 milliards $ en 2020 et à 14 milliards $ en 2021.
Malgré cette chute de revenus, les pays africains vont devoir financer l’importation de traitements et de médicaments, sachant que le continent est dépendant des exportations de médicaments à 94 % (les trois premiers importateurs sont l’Egypte, l’Afrique du Sud et l’Algérie). Problème supplémentaire : 51 % des médicaments consommés en Afrique viennent d’Europe, qui n’est pas, à ce jour, en mesure de satisfaire la demande et a réquisitionné une partie de ces stocks pour ses propres besoins. Sentant une opportunité diplomatique, la Chine a multiplié ces derniers jours les annonces d’envoi de matériel médical en Afrique et a fait de nombreuses offres à l’Union africaine (UA), établie à Addis-Abeba comme la Commission économique pour l’Afrique.
A l’issue de la réunion, la secrétaire générale de la CEA, l’économiste camerounaise Vera Songwe a envoyé le 22 mars une lettre privée au directeur de la Banque mondiale, l’Américain David Malpass, et à la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. Dans cette lettre contresignée par Tito Mboweni et Ken Ofori-Atta, elle demande le « déblocage urgent » d’un fonds de 100 milliards $ pour que l’Afrique puisse faire face au virus, ainsi qu’une suspension immédiate du remboursement de tous les intérêts sur la dette des pays africains, une somme qu’elle évalue à 44 milliards $ pour la seule année 2020.
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