Le jeudi 19 novembre dernier, le Dr Marius Dossou-Yossou, juriste de formation et administrateur civil a lancé son essai, «Contenir l’onde de choc, Nouveaux médias et régulation à l’ère du numérique: aspects juridiques», un livre qui fait le diagnostic de la régulation des nouveaux médias. Présents, les acteurs du secteur du numérique, les journalistes, parents, les anciens collègues de la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication, et invités d’honneurs A la présentation du livre de 375 pages, Me Brice Houssou a noté que c’est l’outil qu’il manquait pour la bonne analyse des situations nouvelles qui se posent de nos jours. Pour l’auteur, expert en droit du cyberespace et des medias, enseignant chercheur, titulaire d’un doctorat d’Etat en droit privé, d’un master professionnel en droit du cyberespace africain obtenu à l’université Gaston Berger de Saint-louis au Sénégal, les nouveaux espaces sont devenus des lieux de prédilection pour la commission de nouveaux types d’infractions ; ce qui amène à s’interroger sur la légalité et surtout la légitimité de l’intervention du régulateur des médias. Véritable aporie dirait-on au prime abord. «Mais ce qui fait l’originalité de la réflexion, c’est l’usage de l’internet qu’Agathe Lepage considère comme l’une des trois inflexions majeures de l’histoire de l’humanité en plus de l’écriture et l’imprimerie. Elle pose incidemment les premières questions sur la régularité ou non de l’internet. La régulation doit être au service des droits de l’homme, au service de l’humain. Il en est de même de l’internet qui doit être au service de chaque citoyen, au service de la démocratie. Le développement de l’internet a favorisé l’interaction des usagers de l’Internet au point où de nos jours, on parle de plus en plus d’addiction au niveau de certaines couches de la population. La question de la fracture numérique et de l’inaccessibilité à l’Internet étant résolue progressivement, il convient de s’interroger sur les impacts de cette socialisation interactive même si d’emblée, celle-ci est de nature à susciter les commentaires les plus dithyrambiques » observe Dr Marius Dossou-Yossou.
Lire la note de présentation du livre « contenir l’onde de choc, Nouveaux médias et régulation à l’ère du numérique : aspects juridiques »
Notre intervention permettra de présenter le contexte et de justifier un tant soit peu les motivations à l’origine de l’écriture du livre dont le lancement nous mobilise aujourd’hui.
motivation d’ordre historique
Souvenons-nous que la fin de la décennie 1980 a coincidé avec la revendication bruyante des peuples africains en quête de plus de liberté notamment d’expression.
Le sulfureux discours de la Baule au cours duquel le Président français François Mitterrand conditionnait l’aide au développement à la mise en place d’institutions démocratiques était considéré comme l’élément catalyseur qui a conduit les pays africains à créer des instances de régulation des médias qui ont officié avec des fortunes diverses. Il est donc acquis que depuis cette période les instances de régulation des médias font partie du paysage institutionnel des pays africains donc un objet possible d’étude. A ce niveau, il est une vérité de Lapalice que ces instances n’ont pas été suffisamment étudiées. Les valeurs axiologiques qu’elles drainent n’ont pas été suffisamment sassées et ressassées. A preuve, depuis l’année 2003 que notre aîné Emmanuel Adjovi, que nous saluons au passage, a écrit sur les instances africaines de régulation des médias, la doctrine sur la question a été comme plombée et a stagné dans une inertie telle qu’il paraissait plus qu’impérieux de traduire dans un ouvrage les mutations charriées par l’outil internet et leur impact sur les nouveaux médias et par voie de conséquence sur l’activité journalistique.
Motivation d’ordre notionnel sur le concept même de régulation
La notion de régulation n’est pas bien appréhendée. Elle est vite confondue avec l’activité du juge ou encore avec des notions proches comme la règlementation.
Nouveaux médias et régulation, s’agit-il de relations nécessairement ou fatalement dialectiques ou bien faut-il y voir comme dans une allégorie à l’instar de vases communicants, deux acteurs interdépendants avec un arbitre qui assure l’équilibre, la balance des intérêts. De ce point de vue,
Mais ce qui fait l’originalité de la réflexion, c’est l’usage de l’internet qu’Agathe Lepage considère comme l’une des trois inflexions majeures de l’histoire de l’humanité en plus de l’écriture et l’imprimerie. Elle pose incidemment les premières questions sur la régulabilité ou non de l’internet. La régulation doit être au service des droits de l’homme, au service de l’humain. Il en est de même de l’internet qui doit être au service de chaque citoyen, au service de la démocratie. Le développement de l’internet a favorisé l’interaction des usagers de l’Internet au point où de nos jours, on parle de plus en plus d’addiction au niveau de certaines couches de la population. La question de la fracture numérique et de l’inaccessibilité à l’Internet étant résolue progressivement, il convient de s’interroger sur les impacts de cette socialisation interactive même si d’emblée, celle-ci est de nature à susciter les commentaires les plus dithyrambiques.
Internet est incontestablement un outil de développement. L’organisation du travail, le système de formation et d’éducation, la création artistique, la production culturelle, jusques et y compris les rapports sociaux, s’en trouvent aussi affectés.
Il faut néanmoins se résoudre à admettre que ces nombreuses vertus peuvent se révéler n’être que la partie émergée de l’iceberg. Car Internet s’apparente au monstre de Golem qui échappe à son créateur en raison de pratiques toujours valorisantes et de nouvelles incriminations (hacking, happy slaping, le revenge porn, le sexetape, le fishing, etc.)
Depuis l’avènement et leur essor qu’on peut situer au milieu des années 2000 (au Bénin et un peu partout en Afrique subsaharienne), les publications multimédias ont baigné dans un véritable bouillonnement discursif et idéologique, matière première pour une véritable appréhension épistémologique. Mais derrière toute la rhétorique des sachants, c’est l’interactivité des internautes à travers leurs contributions (empowerment) et le partage des contenus qu’il faut véritablement considérer. C’est d’ailleurs ce caractère participatif et les caractéristiques fonctionnelles de l’internet qui, sans aucun doute, justifient la prise d’assaut des plateformes numériques.
C’est pourquoi, il faut contenir l’onde de choc de l’internet. Pour éviter les dérapages et assurer la protection des droits humains.
Les rapports entre les nouveaux médias qui entrent dans le champ du régulateur et les autres (cartographie)
Les nouveaux médias se caractérisent par leur aspect extrêmement mouvant, leur extraterritorialité, et surtout par les usages sans cesse renouvelés qu’ils permettent. De sorte qu’aucun secteur de la vie sociale n’est à l’abri de leurs impacts multiformes.
Que trouve-t-on en effet derrière ce concept ? Facebook, Twitter, Blog, Youtube, Tags divers et même simples posts, … tout cela finit par devenir une vaste nébuleuse qui ressemble à une sorte d’hydre tentaculaire, pas toujours géo-localisable, qui enclenche et nourrit en permanence des dynamiques souterraines. C’est un phénomène impossible à ignorer, les faits et méfaits des nouveaux médias vont nous occuper pendant longtemps encore.
La 1ère difficulté réside donc, dans la tendance à analyser, de façon non différenciée, les pratiques diverses et variées.
Qu’y a-t-il de commun entre des utilisateurs qui agissent comme de simples snippers, venant tirer pour perturber ou éliminer un concurrent tout en restant dans l’anonymat et le pseudonymat, et des sites plus élaborés aux substrats idéologiques plus affirmés animés par des journalistes professionnels ?
Est-on face à de nouveaux outils de renforcement ou d’affaiblissement de la Démocratie ? Comment évaluer les impacts réels, voire même scientifiques, avec une typologie aussi mouvante ? Comment faire la distinction entre les fantasmes qu’ils suscitent et la réalité intrinsèque ? Faut-il endiguer, voir éradiquer, ces nouveaux médias ou alors, faut-il les utiliser à bon escient en créant des cercles vertueux qui positionne le régulateur comme un arbitre?
L’autre évidence qu’induisent ces médias, c’est qu’ils aboutissent, de plus en plus, à « zapper », les producteurs classiques d’information et les stratégies verticales de diffusion. Les intermédiaires, que sont étymologiquement les hommes de médias et les journalistes, se trouvent confrontés à ce dilemme. Doivent-ils s’engouffrer dans les brèches ouvertes par les Réseaux Sociaux Numériques, avec les risques que cela comporte ou doivent-ils rester campés sur l’aspect classique, éthique et déontologique de leur métier ?
Le régime de la responsabilité
Les nouveaux espaces sont devenus des lieux de prédilection pour la commission de nouveaux types d’infractions ; ce qui amène à s’interroger sur la légalité et surtout la légitimité de l’intervention du régulateur des médias. Véritable aporie dirait-on au prime abord. Ce d’autant plus que les principes intangibles qui fondent la compétence du régulateur des médias sont connus :
la concession d’une fréquence
l’existence d’une ligne éditoriale
l’exercice du journalisme en tant que profession
l’existence d’un cloisonnement de la régulation
l’autorisation, la déclaration, etc.
C’est entre autres autour de ces points que portait notre réflexion qui révèle les difficultés de l’activité de régulation avec un accent particulier sur son caractère non rédhibitoire. Il s’agit en l’absence d’un cadre juridique conséquent de solliciter la capacité du régulateur à externaliser ses compétences à travers des solutions sui generis qui rompent avec les paradigmes traditionnels. Mais dans l’absolu, que ce soit dans le cadre de sa mission ex ante ou ex post, le régulateur des médias, à supposer qu’un instrument juridique majeur fonde sa compétence, ne doit pas se jeter à l’abordage si ses moyens et ses outils ne sont pas adaptés afin de réussir sa mission sur ces espaces qui n’ont pas fini de se révéler dans leur complexité.
Cette étude n’a pas fait que appréhender les concepts comme numérique, nouveaux médias ou cyberespace mais a tenté de s’interroger, à grands traits, sur quelques-unes des implications juridiques qu’elle sous-tend. À la banalité de ce qui constitue l’un des principaux lieux communs du discours sur la régulation, topique repris régulièrement afin de désigner l’intervention des pouvoirs publics dans l’activité des médias répond en creux l’idée d’un profond bouleversement des échelles paradigmatiques traditionnelles. Si la surface du globe, jusqu’alors perçue comme un assemblage fini et hétéroclite de territoires de toutes tailles, acquiert les caractéristiques de village planétaire– alors c’est l’ensemble de notre rapport à l’espace, et donc à la distance, qui est remis en cause : que deviennent des catégories de l’expérience aussi élémentaires que l’« ici », le « là-bas » ou l’« ailleurs » dans un monde où le sens et la réalité de ces mots deviennent de plus en plus flou ; où la mobilité télescope le proche et le lointain, le passé et le futur, plonge le présent dans l’abime » ?
Merci de votre aimable attention
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