Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

« LA VIE DES BÉNINOIS COMPTE »

Dans l’espoir que vous allez bien, je voudrais en marge du mouvement mondial « Black Lives Matter, la vie des noirs compte », adresser un message à la police et à l’armée béninoise.

Ce mouvement militant antiraciste, fondé par trois femmes après le meurtre de Trayvon Martin en 2013 a pour objectif de dénoncer et de protester contre le racisme et les violences policières à travers le monde. Cette vague de protestation a récemment ressurgi après la mort de George Floyd, cet homme noir qui a été tué en plein jour à Minneapolis (États-Unis), sous le poids de la haine d’un policier blanc.

Comment est-ce encore possible à notre époque ?

C’est juste inimaginable.

Peut-être pour se rassurer, dirons-nous que c’est propre à l’histoire américaine et que le Bénin n’est pas concerné. Faux !

Car le racisme qui est combattu aujourd’hui à travers le monde n’est que la conséquence et l’expression des inégalités structurelles et fractales perpétrées depuis de nombreuses années. Il en est de même, pour les tueries causées par la police et l’armée béninoise lors des dernières manifestations, des 1 et 2 mai 2019, celle en marge de la séquestration de l’ancien président (Yayi Boni 2019) et des étudiants 2020.

C’est pour cela qu’il faut revenir à leur origine afin de les identifier pour pouvoir les combattre.

Car, ce que vous ne nommez pas n’existe pas, c’est en les nommant que l’on peut les renverser. Renverser les inégalités sociales par leur déprogrammation et les inégalités structurelles par la tenue de nouvelles réformes.

Au Bénin comme dans le reste de l’Afrique les inégalités causées par les structures et celles induites par les différentes fractures à l’intérieur des groupes homogènes sont à l’origine des instabilités et des faibles résultats de l’action publique. Mais comment en est-on arrivé là ?

De mémoire, la police et l’armée béninoise ont toujours été exemplaires, et ce, dans des contextes politiques extrêmement tendus et une situation économique fragilisée par la corruption des élites politiques.

Exemplaires par leur rejet de la violence sur leurs compatriotes et exemplaires par leur soutien à la démocratie, ces exemplarités, la police et l’armée béninoise les ont démontrées pendant la période d’instabilité de 1960 lors des coups d’État sans effusion de sang et aussi par le soutien de l’armée aux manifestants pour la démocratie en 1988,1989 et 1990.

C’était le signe de la maturité de notre société et de nos institutions, celles qui étaient citées en exemple et enviées par tous. Vous pouvez être fière de vous, car vous avez honoré votre administration et aviez la reconnaissance du peuple béninois ? Alors pourquoi et comment avez-vous changé de philosophie depuis la venue de Patrice Talon ? Pourquoi, acceptez-vous de tirer sur la population en situation de faiblesse et abusez-vous de votre autorité ?

Pourquoi rejetez-vous l’héritage de vos aînés de 1960 à

1974 et de 1988 à 1990 qui ont contribué à préserver le Bénin d’une guerre civile, maintenir sa stabilité politique et sa prospérité.

N’est-il pas de l’intérêt collectif de garantir la sécurité de tous et de toutes ?

N’est-il pas de votre responsabilité de protéger la population et les intérêts de notre pays?

En acceptant de tirer, de tuer et d’emprisonner ceux et celles qui luttent pour nous tous, ceux et celles qui luttent pour que Patrice Talon ne prend pas possession de toute l’économie du pays et des institutions, vous participez au maintien de l’injustice et tordez le cou à l’expression public.

Refusez désormais de tuer des innocents, d’arrêter sans cause valable, et de l’aider à détruire les corps intermédiaires.

Autrement, quand il aura atteint son objectif, c’est-à-dire, renforcer son pouvoir par les lois que vous l’aider à voter pour organiser sa succession et se débarrasser de tous ses opposants, il se débarrassera également de vous en temps voulu. Pour ne citer que lui, pensez à Sébastien Adjavon en exil, lui qui a fait Patrice Talon, roi.

L’armée et la police lui sont importantes aujourd’hui, parce qu’il y a encore quelques résistants ou quelques quasi-affidés dont il n’est pas très sûr.

Quand vous nous aurez tous emprisonnés ou poussés à l’exil, vous ne servirez plus à rien et c’est en ce moment que pour rentabiliser son investissement (ce qu’il donne à vos chefs et autres subalternes aujourd’hui pour vous envoyer massacrer vos frères et vos sœurs), il devra réduire les effectifs de certaines administrations et entreprises d’état.

Vos salaires stagneront tandis que les charges augmenteront puisque vous devrez désormais, avec vos maigres salaires, prendre soin de vos familles et de vos proches poussés au chômage. Les populations les plus vulnérables le seront encore plus, car il y aura encore plus de chômages et moins de création de richesses, puisque toute l’économie du Bénin sera entre ses mains, lui et son clan.

Quand on vous dit que Patrice a une vision à l’échelle du pays, rappelez-vous qu’il est avant tout un homme d’affaires qui ne voit que le profit et l’appât du gain. Vous pouvez d’ores et déjà constater les effets néfastes de sa politique qui induit le mépris de classes et qui accroît les inégalités.

Ami.e.s policiers et gendarmes, magistrats et autres ne nous abandonnez pas, n’abandonnez pas nos familles et arrêtez de tuer nos enfants, nos frères et nos sœurs.

Ne faites pas d’autres victimes comme dame Prudence Amoussou, morte d’une balle dans le ventre, laissant ses enfants qui grandiront avec la rage et pourraient, demain, devenir les bourreaux des vôtres. Arrêtez de multiplier les inégalités et de créer des conditions propices à l’instabilité, la violence et l’insécurité.

Baissez les armes ou retournez- les contre celui qui veut lier votre conscience au crime et à l’instabilité programmée de notre pays. Pour mieux faire, désengagez-vous dès à présent de toute violence, de tous abus, car, comme le mouvement Black Lives Matter, — la vie des Béninois compte également—.

Partout à travers le monde, le Bénin était cité comme un exemple de démocratie à suivre. Mais cette réputation tend à disparaître, sinon qu’elle n’existe plus grâce à votre concours.

Ne laissez personne vous faire porter le costume du bourreau, celui qui aura la désorganisation de notre pays et l’appauvrissement de nos compatriotes sur la conscience. Je voudrais pouvoir rentrer chez moi au Bénin et débattre de son développement.

J’aimerais avoir le plaisir de venir saluer et remercier chacun de vous depuis l’aéroport jusque dans la ville.

Je rêve de mon pays, des moments de fraternité, de solidarité et de partage d’idées. Comme George Floyd, ôtez vos genoux de nos cous et laissez-nous respirer, ne nous tuez plus, sinon, notre pays, le Bénin, mourra.

« Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent points l’œil »

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique 2 please we just wanna breathe, nos vies comptent!

Ouorou Boni Richard